jeudi 9 octobre 2008

Boni Yayi, régionaliste ?

La tendance actuelle des déçus du Changement à vouloir régionaliser le débat politique est surprenante voire inquiétante. Pourtant qu’on l’aime ou pas, les événements de tous les jours relatifs à la vie publique et privée de Boni Yayi, devraient à eux seuls suffire à arrêter des médisances.

Grosse a été ma frayeur de voir le secrétaire général du gouvernement, Victor Topanou faire étalage des chiffres et des noms pour contredire les pourfendeurs du régime qui accusent Boni Yayi de "régionalisme". La ficelle de l’ethnicisme n’est pas un roseau avec lequel devraient jouer les Béninois à l’étape actuelle de notre démocratie. Il y a beaucoup d’autres arguments qui suffisent à eux seuls pour s’opposer à la politique gouvernementale comme la cherté de la vie, l’appauvrissement des populations, l’enrichissement illicite, la fin prononcée de la laicité, la non consolidation de l’Etat de droit, le retour du parti-Etat, le mauvais fonctionnement des institutions de la République, la violation des libertés fondamentales, toute chose en contradiction avec les promesses du candidat élu.

Car l’argument du régionalisme servi pour contrer Boni Yayi apparaît surréaliste d'autant que le film de la journée du président de la République se joue au milieu des personnages n'ayant aucun rapport avec sa région natale. On peut citer, en privé, Chantal, son épouse originaire de Ouidah, à plus de 300 kilomètres de Tchaourou. Doit-on rappeler que son ex-épouse est native de Porto Novo. Du coup, la progéniture du président est à cheval sur les deux principales régions du pays.

Dans la vie publique, les plus grands thuriféraires du changement ne proviennent pas de la même région que le Chef de l’Etat. Les patrons des FCBE, les membres du cabinet civil du président de la République, les éminents membres du gouvernement (Koupaki, Lawani, Okanla, Hessou, Dovonou, Boco, Gbégnonvi, etc) soit 15/24 proviennent de la région culturellement éloignée de Boni Yayi. Il s’y ajoute que les institutions de contre pouvoir sont chapeautées avec la bénédiction du président de la république par des personnages certes dévoués à lui mais non ressortissants de sa région. Les deux îlots jaloux de l’indépendance de leurs organes restent encore la Cour Suprême et la HAAC paradoxalement dirigés par des personnalités de la région de Boni Yayi.

Sur le plan politique, les premiers à subir les foudres de Boni Yayi sont encore ceux de sa région qui ont résisté à ses appels. D'abord, le maire Rachidi Gbadamassi accablé de partout, puis le député Issa Salifou dont la levée de l’immunité parlementaire fut exigée, ensuite Antoine Dayori a failli passer à la trappe.

Passons les postes de hauts fonctionnaires, notamment les directeurs généraux des sociétés poumons de l’économie, le Port et la Sobemap et les Télécoms sont administrés dès le départ par des responsables lointains de la région présidentielle. Même remarque que pour la Douane. Reste les sociétés moribondes comme la SONAPRA en chute libre, le CNCB peinant à se relancer, la LNB sans éclat, la Poste budgétivore, l’ORTB goulot d’étranglement, etc qui reviennent comme prébendes à des natifs de la région du Chef de l’Etat.

Quand aux postes internationaux, il est loisible de préciser qu’aucun ressortissant de cette région n’a encore obtenu un coup de pouce du Chef de l’Etat pendant que les premiers à en bénéficier, Adjanohoun, Zinzindohoué, Gnacadja, etc, ainsi que toute la clique d’ambassadeurs promus ces derniers temps n’ont rien à voir avec la culture de la région présidentielle.

Alors, comment devant un tel tableau à faire rougir des extrémistes natifs de sa région, peut-on croire que le Chef de l’Etat ne promeut que les siens. Cette vision surréaliste du fonctionnement du pays ne conforte pas l’unité nationale. D’autant que d’une région à une autre, « l’intrus » compte des partisans et des adversaires politiques. Même si dans sa région, l’adversité est réduite à la portion congrue, il faut tout de même admettre qu’elle existe et qu’elle est politiquement et intellectuellement animée par des personnages qui se refusent de faire de l’ethnie ou de la région un fond électoral.

Ganiou Soglo se ridiculise

Comment l’actuel ministre des Sports a-t-il pu manquer de discernement lorsqu’il s’agit de faire la part entre la politique et le sport de haut niveau ? Le projet visant à baptiser l’équipe nationale « Panthères de l’émergence », venant d’un ancien responsable de club de football dont le passage à la tête des « Requins de l’Atlantique » a pourtant contribué à la valeur ajoutée actuelle du football béninois, apparaît à tous égards grotesque.

« Panthères de l’émergence » ou « Panthères émergent », rien de plus rébarbatif que ce groupe de mots qui ne répond à rien dans la sémantique des langues française ou béninoises. L’omniscient Roger Gbégnonvi en charge de la promotion de nos langues pourrait encore témoigner. En proposant unilatéralement de débaptiser les Ecureuils, Ganiou Soglo relance un vulgaire débat pourtant clos depuis lors, avec la première qualification de l’équipe nationale à la Coupe d’Afrique des Nations en 2004 suivie un an plus tard d’une autre à la Coupe du monde junior.

Alors que l’on devrait s’attendre à ce que les caquets soient définitivement rabattus par la deuxième qualification des Ecureuils à la CAN 2008 et cette spectaculaire performance lors des qualifications pour le deuxième tour de la Coupe du monde 2010, coiffant magistralement les Panthères noires d’Angola (la précision est utile), voilà le premier dirigeant du sport national lancer une proposition aussi oiseuse que bouffonne.

Pour mémoire, en 2001, dans la foulée de l’élection de Martin Adjagodo à la tête de la Fédération béninoise de football, bien de responsables sportifs et politiques voire même des intellectuels avaient pensé que les performances de l’équipe nationale étaient limitées par leur mascotte, appelant à cor et à cri à un nom de fauves ou de prédateurs. La Fédération, elle-même s’était abstenue d’écrire le nom « Ecureuils » sur le bus réservé au transport de l’équipe préférant « Onze national ».

Un comportement anecdotique proche de la superstition et du totémisme à l’heure du rationalisme auquel le sport en général et le football en particulier n’échappe. On sait aujourd’hui que les performances en sport sont tributaires, et des talents individuels, et du travail collectif. Doit-on rappeler la célèbre maxime, « un seul être vous manque et vous êtes dépeuplé » pour préciser qu’à cette époque le team national ne comptait pas un joueur providentiel de la trempe d’un George Weah pour le Liberia (Can 1996) ou de Chevchenko pour l’Ukraine (Coupe du monde 2006). De même qu’ « une addition de vedettes ne fait pas une équipe » comme l’a si bien prouvé la Grèce à l’Euro 2004. Au début des années 2000, le Bénin ne se situait dans aucun des deux registres : pas de star et pas d’équipe.

Aujourd’hui que les résultats sont au rendez-vous par la grâce d’un travail assidu, le meilleur pour un responsable sportif serait d’annoncer des mesures visant à consolider les acquis plutôt que d’avancer des propositions qui pourraient nuire à l’éclat des performances actuelles. On s’imagine bien que ceux qui défendent les couleurs de l’équipe nationale (les joueurs) ne se comportent pas en poules mouillées sur le terrain parce qu’ils portent le nom "Ecureuils". Les performances à Yaoundé en 2005 face au Cameroun (1-2) pourtant sacré Lions indomptables rappellent encore l’héroïsme de nos porte-flambeaux.

De plus, si c’est le mot « Ecureuils » qui symboliserait un petit animal pusillanime et pas du tout agressif qui motive cette sortie burlesque du ministre des Sports, autant commencer par la révision du nom du pays. En effet, le mot « Bénin » selon le dictionnaire le Robert signifie « bienveillant, indulgent » autrement qui manque d’agressivité. Si l’on veut bien s’adonner à la philologie, le choix donc du nom « Ecureuils du Bénin » apparaît plus pertinent que « Panthères de l’émergence » qui n’a aucune consistance sémantique ou explication contextuelle (le Matinal du 09 octobre 2008).

Plutôt que de lancer une idée saugrenue, qui, dans l’imminence d’un remaniement ministériel, vise davantage à plaire au chef de l’Etat, chantre de l’émergence et au parti présidentiel « Force cauris pour un Bénin émergent », mieux que quiconque, Ganiou Soglo, fils de l’ancien président Nicéphore Soglo, devrait se raviser. Car, « les hommes passent mais les institutions demeurent ». Les « Ecureuils du Bénin » participent de cette pérennité des institutions.