vendredi 29 août 2008

Boni Yayi renie sa promesse

En flirtant publiquement avec Issa Salifou, Rachidi Gbadamassi puis Séfou Fagbohoun, naguère qualifiés par les Caurisants de « fossoyeurs de l’économie », Boni Yayi, élu sur le thème du « changement et de la lutte contre la corruption » vient de renier sa principale promesse. Deux ans après son investiture, le président a mangé sa cravache. Passé le bluff, voici venu le temps de la compromission au sommet de l’Etat.

La photo illustrait vendredi la manchette d’un des quotidiens le plus engagés au côté du pouvoir actuel. Boni Yayi tout sourire, costume sombre sur chemise blanche assortie d’une cravate rouge donnant la main de la reconquête à Ladji Séfou, un tantinet hagard, vêtu d’un atchoké bleu ciel. On croit rêver ! Superposée à l’image de la coupure du ruban, lors de la pose de la première pierre de l’échangeur de Godomey, avec les députés Issa Salifou et Rachidi Gbadamassi, on attrape le torticolis.

C’est que le premier, Sefou Fagbohoun, homme d’affaire arrêté et incarcéré à la prison civile de Cotonou dans le cadre de l’affaire de la cession de la SONACOP à la CPI, a obtenu, selon les médias locaux, une « libération définitive en attendant le jugement du tribunal de Cotonou sur le fonds ».

Le second, Issa Salifou, opérateur économique cité dans plusieurs rapports de commission diligentée par le chef de l’Etat au nom de la lutte contre la corruption pour lesquels Boni Yayi a réclamé en vain la levée de son immunité parlementaire, a échappé de nouveau à toute poursuite judiciaire en vertu de sa réélection en 2007.

Le troisième Rachidi Gbadamassi, dont l’image maculée du cambouis de sa mise en dépôt dans une vilaine affaire d’assassinat d’un juge à Parakou, a brillamment réussi à prouver son innocence au grand dam des Yayistes décidés à lui faire payer le prix de son indocilité à la veille de la présidentielle.

Et pourtant, Boni Yayi avait clamé pendant la campagne électorale sa volonté de nettoyer les écuries. Le slogan de campagne : « ça peut changer, ça va changer, ça doit changer » se décline aisément en « ça peut continuer, ça va continuer, ça doit continuer ».

L’imposture du « changement » aujourd’hui démasquée par la volonté du chef de l’Etat d’appliquer l’adage « on prend les mêmes et on recommence » démontre bien que « les promesses n’engagent que ceux qui y croient » pour rappeler la célèbre boutade d’un leader béninois encore influent dans la sphère politique.

Que de reniements depuis avril 2006 ! Ceux qui s’attendaient à une croissance à 6% comme promis dans le programme du candidat ont vu décliner le dynamisme économique du pays et le panier de la ménagère se réduire drastiquement. Alors que dans la plupart des pays africains, des leviers portant sur des augmentations de salaires ont été adoptés pour faire face à la baisse du pouvoir d’achat et la hausse des prix des denrées alimentaires, au Bénin, les indicateurs macroéconomiques plaident contre cette option accentuant ainsi la misère.

Le renforcement de l’Etat de droit s’est décéléré avec la perte de crédibilité de certaines institutions de la République. Seule la Cour suprême échappe encore aux velléités de caporalisation du pouvoir par le parti-Etat qu’est devenue la FCBE.

Et pourtant, le président avait promis qu’il sera « le président de toutes les Béninoises et de tous les Béninois ». Ce qui supposait une réelle volonté de « rester au dessus de la mêlée » et de « jouer pleinement son rôle de père de la nation » conscient que son élection n’était le fruit d’aucun parti politique et que les 35% obtenu au premier tour, regroupent d’anciens militants de partis traditionnels et de citoyens dits indépendants.

Enfin, on peut aisément au vu de l’évolution de l’actualité politique conclure à la fin de la lutte contre la corruption et à un retour aux fondamentaux de la « politique de poubelles » avec son cortège de compromissions.

Finie donc, l’ère des technocrates, « des hommes nouveaux, compétents et intègres » comme le voulait Boni Yayi à sa prise de fonction. Finie aussi, le temps où la société civile était un complice régulateur des choix politiques au niveau de l’Exécutif. Il est de plus en plus évident que le prochain gouvernement sera très politique. Il renforcera sans doute le fossé qui se creuse actuellement entre le président et son peuple.

dimanche 3 août 2008

Robert DOSSOU : Les Liaisons dangereuses

Elu sans coup férir président de la Cour Constitutionnelle, « Bob » comme l’appellent ses anciens camarades de la légendaire Fédération des Etudiants d’Afrique Noire Francophone (FEANF) a du mal à chasser le naturel. Son militantisme séculaire revient au galop et l’on se demande comment le sage Dossou parviendra t-il à éclipser le partisan Robert.
On peut incarner un bon président de la Cour Constitutionnelle et entrer plus tard au panthéon de cette juridiction avec un profil inégalable d’ancien bâtonnier, défenseur des martyrs de l’agression du 16 janvier 1977, d’ancien patron du Décanat de la Faculté des Droits de l’Université Nationale du Bénin, d’ancien député et président de la Commission des lois de l’emblématique première législature du Renouveau démocratique, d’ancien ministre de deux régimes politiques contradictoires voire d’ancien candidat malheureux à la Magistrature suprême.
Mais, même avec un curriculum vitae aussi épais, on peut – sans s’en rendre compte - passer à côté de son mandat de « premier sage ». Il suffit pour cela de ne pas renier le passé récent et les connivences qui vous poussent à afficher au grand jour un soutien au candidat futur vainqueur de l’élection présidentielle, d’être en plus sous les feux de la rampe pendant les campagnes électorales des législatives et puis des communales, de bénéficier d’une procédure bancale de nomination à la Haute Juridiction, de prêter serment devant un lambeau de bureau du Parlement, de rassurer l’opinion publique qu’on accomplira sa fonction « en toute probité et en toute indépendance » pour enfin démarrer par un flop.
A tous égards, était-il opportun pour le sage Dossou fraîchement désigné pour siéger à la Cour Constitutionnelle en dépit des récriminations de l’opposition sur la procédure de nomination des nouveaux membres de cette juridiction, de s’investir dans une campagne électorale locale aux côtés des Forces Cauris pour un Bénin Emergent ? Y a-t-il une explication rationnelle à s’aliéner la confiance des citoyens en rendant une décision de droit aussi controversée sur le blocage des activités parlementaires, le soir d’une audience accordée au partisan Robert à la Marina ?
Pour autant, ceux qui s’attendaient à un effet de catharsis chez l’actuel président de la Cour Constitutionnelle ont tout faux. Car « Bob » a passé l’âge de la déloyauté. Pour lui, s’accommoder de « l’intrus » est naturellement le chemin de la vertu. S’en délier apparaît à ses yeux comme une fourberie, une traitrise.
Mais le danger d’une telle allégeance, c’est que le pacte politique qui pourrait exister entre les deux têtes de l’exécutif et du juridictionnel prend en otage le citoyen lambda, le contribuable. « Car enfin s’il fallait donner une preuve de l’utilité et de la grandeur de ces institutions, il faudrait bien dire que c’est l’Etat qui les subventionne », pour citer le personnage de Meursault dans l’Etranger d’Albert Camus.