mercredi 9 juillet 2008

« L’intrus » ignorait-il la maison ?

Attendu comme le « messie », le docteur-président est sous le coup d’un effet boomerang. Face à une opposition politique ringarde et agonisante sous Mathieu Kérékou, Boni Yayi a réussi à en raviver les flammes. Tout se passe comme si l’inspirateur du changement ignorait la maison.

L’enthousiasme populaire qui a porté Boni Yayi à la Marina en 2006, s’étiole et l’unanimisme qui a habité la classe politique et la presse locale aux lendemains de sa prise de pouvoir, s’érode. Le président n’est plus majoritaire. Tout au moins à l’Assemblée nationale. La grogne sociale se profile, l’insécurité règne en maître et le délestage a fini par étouffer la propagande gouvernementale. Du coup, le pouvoir se retrouve groggy face à des opposants ragaillardis et dopés par leur dernière percée électorale. La faute à qui ? A « la maison » ou à « l’intrus » ?

L’état des lieux de « la maison » est pourtant sans équivoque. Le plan de la concession, dont la fondation politique repose sur quatre poutres d’électeurs répartis sur les différents points cardinaux du pays, n’admet pas de vie en vase clos. On n’y accède par le vestibule, où siège « la vieille classe politique » avant de se diriger, via des couloirs de concertations, vers les logis des différents partis politiques. Au faîte de cette habitation, trône le sceptre de la « laïcité ». Ce n’est pourtant pas une habitation d’agnostiques, c’est seulement que les dévotions sont admises dans le respect des diverses croyances des habitants sans que celles-ci ne concourent à façonner l’idéologie des politiques. La vie dans cette demeure se résume en une redondance salutaire: démocratie, démocratie, démocratie.

Vous avez dit démocratie ! Voilà le maître-mot qui a bénéficié à « l’intrus ». C’est au nom de la démocratie et de la liberté de concourir que « l’intrus » s’est invité dans le jeu politique. C’est au nom de la démocratie et de la liberté de choisir, que « l’intrus » a réussi à aspirer la moelle des partis traditionnels actifs dans le Septentrion pour en faire des coquilles vides. C’est au nom de la démocratie et de la liberté d’expression et d’opinion que « l’intrus » a gagné la sympathie des promoteurs de presse. C’est au nom de la liberté de s’associer que « l’intrus » a actionné et multiplié les mouvements de soutiens à sa candidature et poursuivi sa campagne de débauchage des militants. C’est au nom de la démocratie et de la liberté de pensée que « l’intrus » a ravi à la Société civile, ses thèmes de prédilection pour en faire des thèmes de campagnes. C’est enfin au nom de la démocratie et du suffrage universel que « l’intrus » a remporté le suffrage universel.

Mais, « l’intrus » connaissait-il réellement « la maison » ? En paraphrasant le titre de l’ouvrage du journaliste Edouard Loko qui « aurait pu être écrit par Charles ou Tibo », les grincements de dents tant au niveau de certains des « onze » premiers soutiens de Boni Yayi que des « ouvriers de la dernière heure » montrent les limites de l’intrusion en politique. Alors que l’actualité politique foisonne de l’éventualité de la destitution du président de l’Assemblée nationale, de convulsives manifestations dans les communes sans autorités, des trahisons au sein de l’alliance FCBE, la presse fait état de l’imminence de la formation d’un gouvernement d’union nationale comme pour avaliser l’idée que le pays est en crise.

Non ! Le Bénin n’est pas en crise. Le gouvernement gouverne et l’opposition s’oppose. C’est le jeu démocratique. En 2011, il y aura une élection présidentielle. Le vainqueur proviendra de l’un des deux camps. En cas d’entrée dans un gouvernement d’union nationale tel qu’envisagé, l’opposition court le risque de galvauder sa montée en puissance. Quant au chef de l’Etat, il n’a aucun intérêt à composer avec une classe politique qui ne partage pas sa méthode de gouvernance. Indubitablement, les forces en présence s’équilibrent et c’est tant mieux pour la démocratie si aucune dialyse n’intervient à la phase actuelle.
Dans moins de trois ans, chaque partie aura à conforter son image. Car, avec un peuple amnésique comme celui du Bénin, on peut réussir tous les coups en politique. Amnésique, il peut s’identifier rapidement et de façon béante et bêlante à un « leader », ou « messie », ou « intrus ». Revanchard, ce peuple l’est aussi et peut à tout moment prononcer l’amère sentence : « un tiens vaut mieux que deux tu ne l’auras pas ».