lundi 20 avril 2009

BALOTELLI: "VOICI MON HISTOIRE"

LES ORIGINES

"Mon père est Franco, ma mère est Silvia: je le sais, ils le savent, tout le monde le sait. Mais pour l'Italie, pays dans lequel je suis né et dans lequel je vis, ce n'est pas ainsi. Je m'appelle Balotelli comme mes parents, mais sur ma carte d'identité, ce n'est pas ce nom qui est écrit"

"Je n'ai jamais eu de bons rapports avec mes parents biologiques. Elle, Rose, ne voulait pas me garder. Je suis né avec une malformation intestinale, le mégacolon. De plus, j'étais très actif, peut-être trop: mais qui ne l'est pas à deux ans? Il ne m'ont pas gardé..."

Maintenant, je les vois deux ou trois fois par an, mais c'est seulement parce que je veux revoir mes frères et soeurs: deux soeurs et un frère. Pour eux, oui, j'ai de l'affection. Je dis toujours que j'avais six frères et soeurs: ceux-là et Corrado, Giovanni et Cristina, les enfants de Franco et Silvia".

Quand je rencontre mes parents biologiques, c'est comme quand je rencontre des étrangers: je me comporte de manière éduquée - Comment allez-vous? Comment ça va? - même si ils n'en ont pas fait tant lorsque j'étais petit. Ensuite, je sors avec mes frères et soeurs. Quand je rentre dans leur maison, je dis Ciao Thomas, Ciao Rose. Ensuite, quand je retourne à la maison des Balotelli, je dis: Ciao Papa, Ciao Mamma".
"Leur pardonner? Non. Si j'étais encore chez eux, je serais peut-être dans un village en Afrique, ou peut-être que je serais mort..."

"Lorsque j'étais encore chez mes parents biologiques, j'ai passé plus de temps à l'hôpital qu'à la maison et j'ai presque guéri tout de suite, juste avec une opération. On dit que l'abandon est une blessure qui ne se referme jamais: je dis simplement qu'en enfant abandonné n'oublie jamais".

"Oui, ils m'ont demandé de revenir chez eux. Mais je n'y pense vraiment pas. L'ont-ils fait car je suis maintenant célèbre? Bonne question. Oui, je pense que oui. Je pense que si je n'étais pas devenu Mario Balotelli, ils s'en ficheraient".
"La loi prévoit que, en étant encore mineur, un jeune homme puisse encore choisir avec qui il veut vivre: je l'ai fait, mais jusqu'à maintenant, ça n'a encore servi à rien".

Le jour où cette histoire finira, plus qu'une fête, ce sera la fin d'une bataille à laquelle mes parents ont pris part depuis des années".

CASA BALOTELLI

Le premier souvenir que j'ai de ma nouvelle maison, c'est le couloir: beau et long. J'allais à une de ses extrémités et, avec un ballon de toile, je tirais fort vers l'autre bout. Le problème, c'était les vases que maman mettait sur les meubles: j'en ai tellement cassé! Ensuite les meubles: je les ai pratiquement tous escaladés".

"Nous avons une grande maison, avec un jardin. Depuis tout petit, quand mes parents me faisaient un cadeau, ils le cachaient et me mettaient à l'épreuve: je devais le trouver. J'ai cherché partout mon premier vélo: il était derrière les rideaux de ma chambre".

MAMAN

"La première chose qui me vient à l'esprit à son sujet, ce sont ses engueulades! Mais elle avait raison, parce j'en sortait une par jour! Chaque fois, je lui disais: maman, excuse, je te promets que c'est la dernière. La plus grosse? Une fois, à l'école primaire, nous jouions à se faire trébucher. Les autres se faisaient tomber pendant qu'ils marchaient, seulement moi, je l'ai fais à quelqu'un qui courrait: il s'est cassé deux dents".

"Mais qu'est-ce qu'elle m'en a donné des punitions. Une fois, elle m'avait privé de foot. Par chance, mon sac était déjà fait: je l'ai pris, je suis sorti discrètement et je suis allé à pied à l'entraînement depuis Concesia jusqu'à Mompiano près de Brescia: 50 minutes de route à pied. Maman a appelé mon entraîneur afin qu'il la tranquillise lorsque je serais arrivé. Il m'a engueulé: je lui ai tout raconté. Ensuite, je suis rentré à la maison tête baissée".

PAPA

"Papa est beaucoup plus patient. Maman est celle qui élevait la voix et qui punissait. Papa, lui, parle avec maman et c'est tout. Voilà comment c'était à la maison. Il allait la voir et lui disait: comment est-ce possible qu'il continue à en faire autant? Elle venait vers moi et me grondait".

"Je sais que la première image qu'a papa de moi est liée à notre première rencontre: je lui ai tendu la main et j'ai dis "Amigo".

"Je me souviens bien de nos interminables matchs de foot au parc. A la maison, il disait à maman: tu sais qu'il n'est vraiment pas mauvais? et elle disait: laisse tomber, faisons lui faire d'autres sports. J'ai donc fait du karaté, du judo, du basket, de l'athlétisme et de la natation. Si je n'étais pas devenu joueur de foot, j'aurais bien aimé tenter ma chance dans l'athlétisme ou les arts martiaux".

"Papa m'a accompagné en voiture partout où je suis allé: à l'école, au foot, aux scouts, j'en ai fait parti de mes 8 ans à mes 12 ans. Le samedi, j'avais deux choses à faire: le match et la "tana del lupetto", la rencontre des scouts. Papa venait me chercher, il me changeait dans la voiture et m'amenait ensuite aux scouts, qui pendant ce temps s'étaient retrouvés dans des petites régions perdues dans les montagnes. Je restais dormir là-bas et ils me ramenaient à la maison le dimanche. C'est une expérience qui m'a beaucoup appris".

"Mes premières vacances? A Chiavari, chez les grands-parents. Nous y sommes ensuite retourné chaque été. J'aimais beaucoup".

AU LIT!

"Jusqu'à mes six ans, maman s'allongeait avec moi pour m'endormir. Elle me prenait la main et, dans le noir, elle me racontait de très belles histoires. Des fois, c'était moi qui racontait mes secrets et mes peurs. Elle se levait lorsque je m'endormais et si je me réveillais, elle revenait".

LA RELIGION

"Maman dit qu'à chaque chose que je fais, il y a quelqu'un là haut qui me regarde et qui me tient la main. Je ne sais pas si c'est vrai. Je n'arrive pas à croire que tout se finisse avec la mort, mais ça fait cinq mois que je ne vais pas à la messe. Par contre le soir, dans mon lit, je pense: aujourd'hui c'est bien allé, je suis content. Et je murmure un merci. Selon toi, est-ce que ça signifie prier?"

SANTA LUCIA

"A Brescia la tradition est de fêter Santa Lucia. Pour les enfants c'est comme le Père Noël, mais elle donne beaucoup plus de cadeaux. Les responsables religieux de la région mettent une dame sur un petit char tiré par des ânes, mais tu ne peux pas la regarder: selon la légende, si tu le fais Lucia te brûle les yeux. Chaque fois, Maman s'amusait à me dire: Santa Lucia arrive! Santa Lucia arrive! et moi je pleurais car je ne voulais pas devenir aveugle. Elle souriait, elle me prenait dans ses bras et là je pensais: ça c'est une Maman".

LA COULEUR DE LA PEAU

"Au départ, c'était un problème. Enfant, deux choses me tenaient à coeur comme à tous ceux de mon âge: être au centre de l'attention et les filles. Mais pour elles, c'était comme si j'étais transparent. Je ne suis pas Clooney, mais je suis mieux que beaucoup d'autres, c'est pour cela que je ne comprenais pas. Mes amis me disaient: Regardes, elles n'aiment pas les noirs. C'était une des fois où j'étais le plus triste. Une autre fois, c'était aux cours de religion. Deux jeunes se foutaient de moi en disant que les noirs ne pouvaient pas fréquenter les cours de religion. Je pensais que c'était pour rire, mais maman leur a parlé, ils arrêtèrent."

"Je ne me suis jamais battu pour ma couleur de peau. Maintenant l'attitude que les gens ont envers moi a changée, mais pas pour tout le monde. Si je fais une connerie, mes vrais amis me disent: Mario, tu t'es trompé. Si je marque mais que je joue mal, ils me disent: "Mario, tu as marqué mais tu étais dégueulasse à regarder. Je m'en fous de ceux qui m'applaudissent dans la rue même quand je fais de mauvaises choses".

LE RACISME ET ABBA

"Il y en a en Italie et il y en a dans le foot. Moi par contre je n'ai été insulté que par les tifosi de la Fiorentina (ce qui a bien changé depuis...). De la part d'un collègue, jamais. J'ai vu ce qui est arrivé à Abba, le jeune qu'ils ont tué à coups de pieds à la gare Centrale de Milan. Oui, il a été stupide en volant le kiosque, mais les propriétaires ont eu une réaction exagérée. Si ça avait été un blanc, ils ne l'auraient pas tué. Je me définis comme un Noir-Italien, fier de ma peau. Si je croise un noir que je ne connais pas, je le salue instinctivement, si c'est un blanc je ne le fais pas".

LE CARACTERE

"Je suis très possessif et je réagis aux provocations. Si quelqu'un me pousse sur le terrain, je lui marche sur le pied. Mais je suis aussi capable de m'excuser. Je sais pas si, ni combien ça a à voir avec mon abandon. Ca dépend aussi de mon caractère qui est stupide (il rit): la vérité est que je passe pour un guignol seulement parce que je suis instinctif".

L'ECOLE

"J'aimais bien les maths, mais j'étais pas mauvais dans les autres matières. Maman tient beaucoup à ce que je me diplôme, même si je suis maintenant dans un lycée technique privé. ça a souvent été difficile avec les profs, ils avaient quelquechose contre moi. Si c'était le bordel, c'était Mario, si quelqu'un pleure, Mario".

L'AMOUR

"Si je suis amoureux, à qui je le dis en premier? A Corrado et Giovanni: il y a plus de complicité d'homme à homme sur certains sujets. Ils me recommandent mais savent aussi déconner. Je le dirais aussi à Papa, si je n'étais pas sûr qu'il le dirait à Maman, donc ce sont les derniers avec Cristina, parce qu'elle aussi, comme Maman, elle parle beaucoup et est toujours là à m'expliquer les choses (il rit). Par contre si je suis énervé, triste ou déçu, Maman est la première avec qui je parle. Contre le Torino, j'avais mal joué: je l'ai appelé à peine entré dans le car".

LE BRESIL ET LE WWF

"J'ai été au Brésil à Noël. J'y suis allé avec Giovanni et une organisation à but non lucratif pour l'utilité sociale, "Meu Brasil", qui soutient les enfants des favelas (bidons-ville brésiliens) et que je soutiens aussi aujourd'hui, avec ma ligne de vêtement. Je les ai rencontré: ils sont très pauvres mais ils sourient toujours. Ici il y a des gens qui ont des milliards et qui ne sourient jamais. Par contre, même celui qui n'a pas à manger a la TV et le téléphone portable".

"L'année prochaine je passerai aussi mes vacances avec le WWF: je vois des endroits fantastiques et j'aime aussi changer de lieu de vacances. Peut-être que j'irai aussi à Milano Marittima, mais juste pour deux jours".

MOI ET L'INTER

"Tout le monde me dit de garder les pieds sur terre, autant à la maison que dans l'équipe. Je les garde sur terre, mais j'ai de grands objectifs: le Mondial, le Ballon d'Or... Peut-être que je n'y arriverai pas, mais me donner de tels objectifs m'aide à ne pas prendre le melon et à ne jamais me reposer sur mes lauriers. Mon rôle? Afin de jouer je joue sur les côtés, comme aujourd'hui. Mais je reste un attaquant. Je ne me plains pas: je le ferais si la situation est toujours la même dans dix ans".

MOI ET LE FUTUR

"Mes parents m'ont raconté mon histoire quand j'avais 12-13 ans. Avant je savais comment et pourquoi j'étais arrivé chez eux, mais pas encore aussi bien. J'ai posé mille questions, chaque jour. Je voulais être rassuré sur le fait que Maman et Papa m'avaient vraiment voulu et qu'ils me garderaient pour toujours. Non, pas par peur qu'ils m'abandonnent eux aussi, seulement parce que ça me plaisait lorsqu'on me le disait. Aujourd'hui j'ai arrêté. Les seules questions que je pose concernent l'adoption: je veux savoir quand l'état reconnaitra enfin le lien que nous unit, je suis leur fils".

"J'espère que mon vécu servira à tous les enfants qui sont dans la même situation que moi il y a quelques années: un refusé et ensuite un accueilli, une personne qui devient quelqu'un grâce à une famille. Pas "quelqu'un" dans le sens de "quelqu'un de connu", mais un individu avec son identité sociale et affective".


Tiré de www.internazionale.fr

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