mardi 1 avril 2008

Roger Gbégnonvi : mandarin ou griot

Professeur,

Qu'il me soit permis dans cette analyse d'adopter la démarche de Victor Klemperer, ce philologue allemand d'origine juive "protégé" par un mariage "mixte" qui a observé l'évolution du discours dans l'Allemagne nazie entre 1933 et 1945 pour mettre en exergue de manière empirique la "LTI, Lingua Tertii Imperii" ou "la Langue du Troisième Reich". Non pas que j'y trouve une similitude avec votre vie conjugale et loin de moi toute idée de transposition de l'Allemagne de cette période ubuesque de l'histoire de l'Humanité à la phase actuelle que traverse notre pays.

C'est plutôt que jeune étudiant à la Faculté des Lettres de l'université nationale du Bénin (UNB) au milieu des années 90, j'ai passé mon temps à ramer à contre courant des commentaires antipathiques en vous 'portant dans mon cœur' sans pour autant vous connaître que par l'intitulé de votre Cours de "Stylistique et Rhétorique" qui soulevait en moi fougue et exaltation.

Dois-je aujourd'hui me mordre les doigts pour ma fringale de toute publication signée Roger Gbégnonvi ? Assurément non ! Car dans ce nectar de productions intellectuelles, je continue de puiser un côté analytique intrinsèquement lié à la pureté de votre style (littéraire). Par contre j'ai haut le cœur quand je découvre d'une manière pathétique sur bien des aspects éthiques et politiques que la qualité de votre plume a mis en esclavage la pensée (l'idéologie) du mandarin que j'ai estimé.

Certes, la plume à la main, vous défendez avec mérite le Sankarisme et le Panafricanisme qui ont toujours galvanisé la majorité des jeunes du continent. La plume à la main, vous vous faîtes le chantre de la lutte contre la corruption au Bénin. La plume à la main, vous prenez parti avec vigueur pour la défense des valeurs religieuses et morales. J'éprouve du plaisir à embrasser ce côté éthique de votre combat.

Quant à l'aspect politique de votre discours, vous aviez porté à bout d'encre la "Soglophilie" et exécré la "Kérékoumania", vous aviez manifesté votre "Eyadémaphobie" à la face du voisin togolais et cloué au pilori une certaine 'monarchisation' du système qui a adoubé le fils "Faure". Mais votre obstination actuelle à diaboliser les leaders politiques locaux vous rapproche plus aisément du militantisme FCBE que de la Société civile.

Le comble, c'est que vous venez par néologisme d'inventer le parallèle du Sankarisme que vous aviez baptisé le "Yayisme". J'ignore si le "Yayisme" est une idéologie autrement tout professeur que vous êtes, vous devriez éviter de faire du sophisme autour de ce 'concept'.

Le "Yayisme", si l'on veut le théoriser, mérite une réflexion de manière lente, longue et lumineuse fondée sur des paradigmes nouveaux et un schéma politique, économique et social scientifiquement élaboré. On a reproché au Sankarisme de faire le lit du culte de la personnalité. Le "Yayisme" devrait éviter une telle erreur s'il veut subsister à l'histoire politique de notre pays.

Un chef d'Etat est fait de chair et de poisson. Comme tout humain, il est faillible, l'ériger au rang de "messie" participe d'un culte. De même, le "Yayisme" ne devrait pas signifier autant de flagorneries de votre part pour la Première Dame et pour la progéniture du Président. En effet depuis deux ans, suivant cette démarche "klemperienne", j'ai entrepris d'observer, d'étudier, et de graver dans ma mémoire vos publications sur le "Yayisme".

Ma reliure a abouti à un fatras de babils enchâssé dans l'esthétique du discours stylistique. Vous rapportez les prouesses présidentielles (un costume bien taillé pour notre presse), vous passez en revue la sollicitude de la Première Dame (le plat de résistance du doyen), vous poussez le scandale à chanter les louanges de la fille du président (l'apéritif d'un griot de Yayi). Vous avez ainsi quitté votre étiquette de mandarin pour une fonction de griot qui sied mal à un universitaire.

Aujourd'hui ministre de la République, vous avez une chance sur 8 millions de Béninois pour "changer" avec le Président ce qui "peut changer" au département de l'Alphabétisation et des Langues nationales. Autrement, cette voix de Stentor que vous aviez toujours affichée risque de devenir à la limite inaudible au sein du système. Et je crains qu'un jour le Professeur passe sous les fourches caudines.

1 commentaire:

Mahoudagba Christophe a dit…

Mon cher Souleymane,

depuis Vienne en Autriche où je réside voici un an et demi déjà pour faire mon Doctorat en Germanistique, je ne cesse de lire notre presse (béninoise) et bien souvent, j´ai eu le coeur en lambeaux à constater que ceux-là même qui, hier, se faisaient les ardents défenseurs des pauvres et des petits et qui ne laissaient passer aucune occasion pour le cracher à la face du monde, aujourd´hui se soient laissé hypnotiser autant par les odeurs du pouvoir du changement. Comme vous, mon cher Souleymane, j´ai voué une admiration sans précédent au grand professeur Roger Gbégnonvi pour la clarté et la justesse de ses chroniques. Je me souviens encore de cette chronique d´avertissenemt qu´il a publiée après la grand´messe du stade de l´amitié en faveur des artistes béninois. Des artistes béninois qui, enivrés par des mirages d´émergence savamment orchestrés par les griots du "changement" ont tôt fait de "messianiser" le Président de la République. Roger Gbégnonvi mettait alors en garde contre une tendance à sombrer dans le piège du culte de la personnalité. Seulemnent voilà, il a suffit au rhéteur de goûter aux délices du "changement émergent" pour en un tour de main, retourner sa veste du bon côté et changer définitivement son fusil d´épaule.
Et je ne peux que saluer votre courage, cher Souleymane. Votre courage qui, à un moment où certains de nos confrères ont, comme l´éminent professeur Gbégnonvi, choisi délibérément de ne servir que leur ventre, au détriment du vaillant Peuple béninois; votre courage, dis-je, de rappeler aux bons souvenirs du cher professeur devenu ministre, que renier ses convictions profondes pour servir une idéologie éphémère n´est que ruine de l´âme.
Comme vous, cher Souleymane, je suis nostalgique du temps où la raison l´emportait sur les passions et où Monsieur Gbégnonvi, sans ambiguité, nous bercait au rythme de ses chroniques judicieuses, du rêve qu´il est encore dans notre Pays, des hommes intègres.
Ici, à l´étranger, beaucoup de Béninois se posent des questions et sont anxieux. Mais à lire un article comme le vôtre, moi, en tout cas, je suis convaincu que tout n´est pas perdu et que nous pouvons toujours espérer que d´autres journalistes vous emboîtent le pas en ne priorisant pas leurs "panses" au détriment du bonheur du Peuple.
Je souhaite que sans passion ni parti pris, chacun, et en premier lieu, M. Gbégnonvi, tire des lecons de votre article.
Bon courage.

Christophe A.
Vienne, Aurtiche